Celui qui dort ignore qu’il est en train de dormir. Il faut qu’il se réveille pour qu’il se rende compte qu’il était en train de dormir. Eh bien, c’est souvent la même chose pour un peuple victime d’une tyrannie ou d’un régime totalitaire : c'est seulement quand cette sombre période despotique est passée qu’il s'en souvient, qu’il conscientise ce qu’il a vécu en y mettant les mots justes : « tyrannie, totalitarisme, dictature, autoritarisme, abus de pouvoir ». Celui qui, pendant qu’un peuple fait un cauchemar, parvient à décrire ce dernier avec les mots justes, mieux, celui qui pénètre dans ce cauchemar collectif pour réveiller les dormeurs, est l’authentique philosophe. Celui-là même qui est capable de conscientiser les choses pendant qu’elles se déroulent et non seulement après. Et à tous les peuples qui vivent des cauchemars collectifs et qui se demandent quand est-ce que ceux-ci s’arrêteront, je leur réponds : quand il y aura un réveil des masses. C’est-à-dire quand une partie importante de la population prendra conscience qu’elle vit un cauchemar et que sa fin ne dépend que du réveil. Du grand réveil. Car les régimes autoritaires sont toujours composés de deux catégories de personnes : des complices volontaires qu'il faut combattre et des complices involontaires qu'il faut éveiller.