La tyrannie sanitaire : Milgram et La Boétie nous avaient prévenus

Tu sais lecteur, si cette crise a été éclairante pour beaucoup de personnes sur la réalité de la démocratie, elle l’a été aussi pour moi qui sais depuis longtemps ce qu’il en est. Eh oui, au moment même où je peaufine ces lignes écrites dans mes jeunes années, mon pays, la France, tombe dans une folie furieuse. Mais ce qui m’a le plus frappé a été la réaction de nombre de concitoyens face à ses mesures folles. Tels des fous, ils les ont acceptées ! Des fous qui en arrivaient parfois à jouer au petit tyran et à s’en prendre à ceux qui les refusaient sagement. C’est inimaginable comme la docilité des gens a pris, comme les mesures folles leur ont fait perdre leurs repères. Le seul phare qu’avaient les gens à travers cette période où raison et bon sens avaient disparu, était l’écran de télévision et ses chaînes d’information. Et que leur prônait ce phare ? Obéissez ou vous mourrez ! Soit parce que vous aurez refusé de vous injecter un produit miracle, soit parce que votre désobéissance vous aura conduits à une mort sociale : le retrait de vos droits les plus fondamentaux. Et qu’on fait les gens ? Ils ont obéi. Ils ont suivi des lois folles émises par un phare qui obscurcissait le réel au lieu d’éclairer. Quand un phare n’éclaire plus, quand ceux qui doivent informer désinforment, alors on peut considérer que l’on vit une période obscurantiste. Cette période a donné lieu à des comportements tellement aberrants et surréalistes qu’il m’est arrivé de penser que si un jour, on nous demande de marcher à quatre pattes dans les lieux publics, des tas de gens le feraient. Pire, des tas de gens le feraient et joueraient la culpabilisation en s’en prenant à ceux qui refuseraient d’obéir aveuglément. Je les entends d’ici ses perroquets à quatre pattes : « C’est à cause de vous qui refusez de vous plier aux règles que l’on continuera à marcher à quatre pattes dans la rue, dans les magasins et dans les transports en commun ! ». Sache bien, lecteur, si tu n’as pas compris où je voulais en venir, que si un jour on te demande de marcher à quatre pattes dans la rue parce que « c’est la loi », ce sera à cause de ceux qui auront accepté de le faire sans réfléchir, en répétant le discours de l’autorité sur la pseudo utilité de cette règle. Eh oui, si un jour on insulte le bipède pensant qui est en toi en lui demandant d’obéir à des ordres fous ou humiliants, si un jour on t’insulte dans ton essence même d’être humain, ce sera tant à cause de ceux qui t’insultent en te donnant ces ordres qu’à cause de ceux qui cautionnent ces ordres en leur obéissant.

Toute règle injuste, absurde, ou malveillante n’est pas seulement due à la loi qui impose ces règles mais aux gens qui les acceptent en disant : « c’est la loi ».  C’est-à-dire à cause des gens qui n’ont pas les « ressources intérieures »[1] pour remettre en question le récit de l’autorité. Bref, le triomphe des tyrannies est dû davantage aux « cobayes » de l’expérience de Milgram qu’au tyran lui-même. Cette tyrannie sanitaire me fit penser qu’après avoir lu dans ma jeunesse le Discours de la servitude volontaire de La Boétie, je le vivais maintenant dans ma chair. Je mesurais désormais à l’aune des visages humains qui étaient à ma portée le poids réel de l’absolutisme que l’individu est prêt à supporter malgré la souffrance. La soumission volontaire d’un peuple à un seul homme, à une seule poignée d’individus m’explosait à la figure. Oui, tant que les gens obéissent à leur tyran, la tyrannie n’est pas seulement une conséquence logique, elle est méritée. En effet, lorsque qu’un peuple soutient des mesures tyranniques tout en s’en lamentant en même temps alors qu’il lui suffirait de désobéir en bloc, la question se pose de savoir s’il est plus à plaindre ou à blâmer.

[1]U Le psychologue Stanley Milgram soutient que la plupart des gens n’ont pas les « ressources intérieures » pour s’opposer à l’ordre malveillant de l’autorité. Je pense que c’est le même mécanisme qui entre en jeu quand les gens ne parviennent pas à remettre en question le récit de l’autorité, quand ils l’apprennent et le défendent aveuglément. Je soutiens même que le fait que les gens n’aient pas les ressources intérieures pour suspendre leur jugement devant le récit de l’autorité ou pour s’y opposer, est un facteur aggravant quant à leur obéissance aveugle. La soumission intellectuelle renforce la soumission tout court. Parfois peut-être elle la précède. Je pense que l’expérience de Milgram ne commence pas quand on obéit aveuglément aux ordres fous mais quand on écoute le récit de l’autorité, qui justifie ces ordres, sans être capable de le remettre en question. En d’autres termes, obéir aux règles malveillantes, folles ou absurdes va de pair avec l’incapacité de remettre en question le récit de l’autorité.