Autoritarisme rose

 

Je nomme autoritarisme rose la société où les citoyens bénéficient du progrès technique, technologique, scientifique et de tout le confort ou luxe que ce progrès engendre, mais qui évoluent dans un régime autoritaire.

Avant tout, il faut bien comprendre qu'à mes yeux, la ploutocratie dans laquelle nous vivions avant le covid était déjà une forme de totalitarisme rose : une société où quiconque pouvait profiter de la société d’abondance et de son progrès mais où régnaient l'hyper-travail et l’hyper-consommation. Une société prônant l’idéologie « travaille, consomme et choisis ton maître ! ». Une société qui prône cette idéologie dès l’école et qui formate l’esprit des gens pour qu'ils s’en imprègnent et la prennent comme l’aboutissement absolu du progrès est une société où l’esclavage est appelé « salariat ». Les gens finissent par être ce pour quoi ils ont été formatés à leur insu : des travailleurs-consommateurs-électeurs. Ils n'ont même pas d'autres alternatives de vie. Ils n’ont le droit que de travailler pour rembourser une dette, ne sont libres que de consommer, et n’ont le pouvoir que de choisir leur maître. Dans cette société, le pouvoir est entre les mains d’un parti unique : celui des ultras-riches qui pilotent tout dans l’ombre. Dans une telle société, ces derniers prônent l’idéologie dont ils ont besoin pour fortifier l’État qui devient le leur. Il s’agit donc bien d’une forme de totalitarisme.

À présent, je vais développer le concept de l'autoritarisme rose en insistant sur sa nature profonde : celle d'une société autoritaire généreuse en iPhones, PlayStations, Pizza Hut, Amazon et Netflix. 


La société de tacite répression peut tout à fait prospérer dans des pays dits démocratiques. C’est-à-dire dans des pays où les peuples pensent fièrement évoluer dans les régimes les plus aboutis politiquement, où les libertés humaines sont plus respectées, et où la qualité de vie est la plus élevée. Typiquement, les pays occidentaux : ces pays où la propagande n’est pas moins féroce qu’ailleurs mais où elle repose, entre autres, sur les films, les séries, les publicités, les émissions de télé-réalité, les réseaux sociaux, les jeux vidéos, les discours pseudo-progressistes et le progrès technologique. En plus d’hébéter le citoyen, les nouvelles technologies, les réseaux sociaux et les plateformes offrant des films à volonté jouent un réel rôle de modelage de l’esprit du consommateur qui ne se rend pas compte d’être manipulé avec ses gadgets préférés. En effet, il est impensable pour l’esprit simple que l’on puisse être victime de propagande via des séries drôles, des émissions divertissantes ou des courants « bien-pensants ». Et pourtant, c’est bel et bien ce qui se passe en Occident : les peuples subissent une propagande féroce. Une propagande de tous les instants. On peut leur confisquer tous les droits au nom d’un récit et d'un état d’urgence[1] arbitraires, ce fut le cas avec la société pharmaco-punitive, et ce pauvre peuple ne comprend pas que regarder sa série Netflix, son match de foot et commander sa pizza via une application sur son smartphone ne l’immunisent pas contre l’autoritarisme. Pire, ce pauvre peuple fera tout cela en regardant une série Netflix dont le héros, non occidental, a la vie dure dans une franche dictature ! Ainsi est-il manipuler de sorte qu’il intériorise l’autoritarisme comme le seul fait de la répression policière violente, de coups d’État militaires, d’exécutions sommaires, et que par conséquent, lui, installé confortablement dans son canapé Ikéa, il n’est pas en train de vivre sous un régime autoritaire. Bref, l’Occidental ne semble pas comprendre que l’empire a fait de lui un consommateur qui n’a plus les idées claires et qui croit que souveraineté et liberté riment uniquement avec libre consommation à toute heure du jour et de la nuit. Dans ce contexte occidental, on peut parler d’autoritarisme rose, c’est-à-dire de société qui offre du « pain et des jeux[2] », du porno, du foot et des sodas en libre accès à tous les citoyens de manière à étouffer toute éventuelle révolte, à les manipuler, à les contenir et à les hébéter. Oui, cet autoritarisme rose existe bel et bien, c’est la pensée unique, le « venez comme vous êtes mais vacciné », Netflix et sa propagande, l’école du formatage pour tous, « la télé » stérile, la reconnaissance faciale et la puce dans le bras, les GAFAM qui savent tout de votre vie, des smartphones dans les mains de tous les esclaves dès l’enfance. Le tout pour faire d’une pierre quatre coups : les soumettre, les formater, les divertir et les hébéter. Celui qui sous estime l’effet du conditionnement idéologique par les films, les réseaux sociaux, les jeux vidéos, les publicités, les émissions de télévision, ne réalise ni l’ampleur de ces choses sur le formatage de l’esprit ni le fait que nous sommes, en occident, en train de vivre une propagande et un modelage de l’esprit digne des plus grandes périodes totalitaires. Mais tout cela, l’Occidental moyen ne le voit pas, lui. Il confond liberté et souveraineté avec liberté de consommer et confort. Je crois que cet autoritarisme a été conçu sur mesure pour lui, pire, je crois que c’est lui qui a été conçu sur mesure pour cet autoritarisme. Je crains en effet que l’Occidental était tellement prêt pour l’autoritarisme rose que si vous vous avisez de l’en libérer, il s’en plaindra, pire, il le réclamera lui-même au despote en lui demandant qu’il le protège de vous en vous empêchant de tenter de le libérer ! C’est ce qui me fit dire pendant la crise covid : les « anti-vaccins sont les garants du peu de démocratie qui reste. Voilà pourquoi ils sont tant pourchassés par un régime qui n’est pas démocratique. Les autres confondent la liberté avec la liberté de consommer. Ce sont des esclaves qui s’ignorent. »

 

En un mot, l’autoritarisme rose, c’est une société où les gens vivent sous un régime autoritaire mais où ils regardent Netflix tous les soirs avec une cannette de Coca-Cola et en trempant des nuggets dans une sauce sucrée commandés via Uber sur un smartphone à 500 euros.

Bref, l’autoritarisme rose, c’est un régime autoritaire qui a eu la malice de transformer son pays en Disneyland et ses citoyens en adulescents incapables de sentir l’odeur de l’autoritarisme noyée dans celle de la barbe à papa. Eh oui, citoyen, si te te rends à Disneyland avec tes enfants, que vous passez un week-end à vous amuser en famille et que lorsque tu décides de rentrer chez toi à la fin du séjour, on t’en empêche et on te confine dans ce parc, alors quand bien même tu peux manger des barbes à papa tous les jours, boire des sodas, emmener tes enfants s’amuser sur des auto-tamponneuses, tu vis bien dans un régime autoritaire, n’est-ce pas ? Eh oui, si on t’empêche de sortir du parc, pire, si on te contraint d’y rester et qu’on te dit quoi penser, qu’on te restreint des libertés, qu’on te contrôle, qu’on te quadrille etc., alors Mickey et Cendrillon qui tiennent tes enfants par la main n’enlèveront rien au fait que tu sois en plein autoritarisme, de couleur rose c’est tout. C’est en partie sur cet autoritarisme rose que se construira la probable prochaine société de tacite répression en France : la société numérico-répressive. Ce crédit social occidental différera de celui chinois qui n’est pas rose bonbon mais rouge sang. Si vous désirez une image de l’avenir, n’imaginez pas « une botte piétinant un visage humain »[3], imaginez Mickey qui restreint vos libertés tout en offrant des barbes à papa à vos enfants. La pire dystopie est celle où les gens lisent 1984 d’Orwell en se disant "c'est horrible", sans se rendre compte qu'ils sont eux-mêmes dans un régime autoritaire et que ce dernier durera aussi longtemps qu'ils n'auront pas conscience d'y être.

Eh oui, lecteur, l’autoritarisme rose n’existe pas parce que je l’ai théorisé. Il existe parce que tu vis en plein dedans. Ouvre grand les narines et respire en pleine conscience : tu ne pourras pas ne pas sentir son odeur !


 

[1]U Dans la démocratie dite représentative, l'état d'urgence est, entre autres, un moyen d'installer un régime totalitaire « démocratiquement ».

[2] Panem et circenses, littéralement « du pain et des jeux du cirque » et traduit régulièrement par « Du pain et des jeux », est une expression latine forgée dans la Rome antique. 

[3] « Si vous désirez une image de l’avenir, imaginez une botte piétinant un visage humain… éternellement. » George Orwell, 1984