Tu sais, lecteur, après avoir écrit le dernier mot de ce livre, je poserai le stylo et ferai ce que j’ai toujours aimé et préféré faire dans cet Univers : le contempler en pensant. Eh oui, je vais te faire une confidence personnelle. J’ai vingt huit ans au moment où je polis ce livre et où je décide de le publier mais lorsque je l’ai écrit pour la première fois, j’avais une petite vingtaine d’années et à ce moment-là tout ce qui se passait dans la société des Hommes, leurs façons de vivre et leurs problèmes n’étaient pas des choses qui m’apparaissaient comme très importantes. En toute franchise et au risque de paraître contradictoire, je ne trouve pas que le sujet que j’ai abordé dans ce livre soit dans le présent Univers quelque chose de véritablement sérieux. À mes yeux, se demander ce qui est le plus extraordinaire entre le fait que l'Univers soit apparu et le fait que dans cet Univers, des êtres capables de le contempler en le trouvant extraordinaire soient apparus, est une question autrement plus sérieuse. À mes yeux, se demander si le libre arbitre existe vraiment pour nous autres les êtres vivants est une autre question autrement plus sérieuse. À mes yeux, se demander si tout n’aurait pas déjà été écrit depuis l’instant zéro de l’Univers, ce qui remettrait en question notre conception du libre arbitre, est quelque chose d’autrement plus sérieux. À mes yeux, réaliser son Cogito[1] et prendre conscience que l’on peut douter de tout à l’exception d’une chose, on doute justement, pour finalement prendre conscience de sa propre existence en tant que sujet pensant et parvenir à la conclusion que l’on est la conscience éphémère de l’Univers, est une chose autrement plus sérieuse. Tels sont quelques exemples de sujets sérieux quand on sort la tête de cette « fourmilière humaine ». Eh oui, pour celui qui s’est spirituellement extirpé de la « fourmilière humaine », tout ce qui mobilise les passions à l’intérieur de celle-ci ne sont plus des choses aussi primordiales que cela. En fait, pour celui qui s’extrait du fourmillement humain pour laisser son esprit voguer dans l’Univers infini, tout ce qui se passe à l’intérieur de cette effervescence n’est pas plus important que ce qui se passe à l’intérieur d’une réelle société d’insectes. Pour celui qui prend une certaine hauteur sur ce qu’il est en train de vivre pendant son petit passage dans la voie lactée, ses problèmes ainsi que ceux de ses frères ne sont alors que des problèmes de « fourmis ». Eh oui, quand on se rend sur la Lune, on voit en tout petit ce qui se passe sur Terre. De là-haut, les problèmes terrestres sont rétrécis, voire minuscules. Quand je « quitte la voie lactée » pour me « rendre sur Andromède[2] », ce qui se passe sur la Terre me semble dérisoire, j’oserais presque dire que j’y suis indifférent. En fait, depuis « Andromède », on ne voit même plus ce qui se passe dans le monde des terriens. Mais quand je reviens de ces contrées lointaines où mon esprit aime se promener et que je me replonge dans le monde des hommes, un des sujets les plus sérieux n’est autre que le thème de la démocratie, de notre rapport à la notion de pouvoir. Et toi, pseudo-citoyen, tu ne participes non seulement pas à l’élaboration des lois et laisses cela à d’autres mais en plus, tu ne médites pas sur les questions existentielles que j’ai soulevées plus haut. Tu ne médites ni sur celles-ci ni sur la question de savoir ce que signifie avoir le pouvoir ! Tu ne fais rien de sérieux, ni dans cet Univers ni dans cette société ! Sors urgemment de cette médiocrité ! L’Univers te remerciera car il a soif que tu l’aides à prendre conscience de lui-même, et la postérité aussi te saura gré de cette attitude mature pour ce qu’elle lui aura permis de naître en terre démocratique.
[1] Faire l’expérience qui fit Descartes lorsqu’il compris qu’il pouvait douter de tout sauf d’un chose : il pensait.
[2] Viens sur Andromède. Alexis Haupt