Ce que tu dois faire, peuple, ce n’est pas choisir ton représentant mais ton système politique ! Évoluer dans un système réellement libre, c’est pouvoir s’interroger, le remettre en question publiquement. C’est avoir le droit de se demander s’il ne serait pas possible d’inventer un système plus juste. Et si dans une société, on s’en prend à un homme qui explique que le système dans lequel il évolue n’est pas juste et qu’on ne lui permet pas d’expliquer son point de vue, alors on se comporte avec lui de manière totalement anti-démocratique ! Dans une démocratie véritable, les citoyens écoutent attentivement le concitoyen qui leur explique pourquoi ils n’évoluent pas en démocratie, jamais ils ne le censurent. Dans une authentique démocratie, il n’y a pas de police de la pensée. D’ailleurs la question de la souveraineté populaire est le sujet de prédilection de toute démocratie qui se respecte. De toute démocratie qui a sincèrement à cœur d’être authentique et qui a la hantise du faux. Le jour où les médias et le Parlement inscriront à leur ordre du jour des débats sincères et libres sur « Qu’est-ce que la démocratie ? », alors, oui, je croirai que nous nous rapprocherons de celle-ci ! Eh oui, lecteur, le premier débat à prévoir est celui sur la définition du concept « démocratie ».
Mais enfin quoi ? On serait en démocratie alors que les citoyens, ceux-là mêmes qui ne débattent déjà pas entre eux pour savoir quelles seraient les meilleures lois, n’ont même pas le droit de discuter sur le concept de démocratie ? Le peuple a le pouvoir mais n’est pas libre de savoir comment il l’aura. Est-ce une plaisanterie ? Le peuple est déclaré en démocratie mais a seulement un droit d’expression pour élire, c’est-à-dire pour choisir son maître ? Pire, on demande aux citoyens de se contenter de s’adonner à leur formation qui n’est plus qu’une activité rémunératrice : aux boulangers de faire du pain et de se taire, aux professeurs d’enseigner et de se taire, aux avocats de plaider et de se taire, aux médecins de soigner et de se taire, aux comiques de faire rire et de se taire. On dit à ces derniers artistes qu’ils doivent rougir lorsqu’ils tentent, à la manière d’un Molière ou d’un Jean de la Fontaine, de faire d’une pierre deux coups : faire rire les citoyens en exprimant leurs pensées politiques : faire rire tout en dénonçant ce qui ne va pas dans la société. Ne penses-tu pas, lecteur, que s’il y en a qui devraient rougir, c’est au contraire ceux qui se moquent de s’interroger sur la société idéale et qui reprochent aux autres de le faire ?
Extrait du Printemps humain