Citoyens, vous ne pouvez pas accepter de jouer à un jeu dont les règles font de vous les perdants et vous plaindre ensuite de perdre. Accepter de jouer à un tel jeu, c'est rendre légale votre impuissance politique. Bref, ce jeu qui consiste à élire des maîtres a trop duré.
Sais-tu ce que l’on demande en priorité absolue au peuple dans un système juste ? Dans un système juste, lecteur, avant de demander au peuple de choisir celui qui choisira, on lui demande de choisir le système dans lequel il désire évoluer. C’est-à-dire qu’on lui demande s’il veut évoluer dans un système où l’on choisit son représentant ou dans un autre système politique. Si on ne respecte pas cela, on ne respecte pas la démocratie ! Il y a fort à parier pour que si l’on demande aux gens de choisir leur système et qu’on leur laisse le temps de méditer avant de répondre à la question, les représentants du peuple se voient perdre leur fonction et ceux qu’ils représentent vraiment, ceux qui les ont fait élire, se voient dégringoler de la pyramide !
Imagine un enfant qui naît dans un pays où on lui explique depuis son plus jeune âge qu’il est de son devoir de jouer aux échecs et à qui on répète sans cesse qu’il évolue dans un pays démocratique, et ce, parce qu’il a le droit de choisir la manière de déplacer ses pions comme bon lui semble. Si en grandissant, cet enfant ne s’arrête jamais de jouer pour pouvoir méditer un peu sur les règles de ce jeu, il ne se rendra jamais compte qu’elles lui sont imposées. Il pensera véritablement avoir le choix, il se prendra au sérieux et croira vraiment qu’il est libre et souverain du fait de déplacer des pions comme bon lui semble. Au contraire, s’il prend le temps de réfléchir un instant, alors telle une personne qui se réveille, il prendra conscience que le vrai choix n’est pas de pouvoir choisir comment il déplacera les pions sur l’échiquier mais de pouvoir choisir le jeu auquel il jouera. Il réalisera qu’être libre et souverain, c’est de pouvoir changer de jeu. Mieux, de penser à un jeu dont il aura conçu les règles lui-même. Imagine maintenant que des personnes inventent un jeu de société et en écrivent les règles. Imagine qu’elles décident que dans ce jeu, les joueurs ont le pouvoir car ils peuvent choisir le maître du jeu. Qui aurait réellement le pouvoir selon toi ? Les joueurs ? Celui qui a été élu maître ? Ou ceux qui ont créé ce jeu en écrivant les règles ? Si on ne prend pas de la hauteur et que l’on se contente de s’asseoir à la table et de jouer, sans s’interroger sur la notion de pouvoir, on croira que c’est nous, les joueurs, qui avons le pouvoir dans le jeu ! En méditant un peu sur la situation, on note qu’il n’en est rien et que le vrai détenteur du pouvoir est le chef désigné par les autres joueurs. Puis, en poussant la réflexion plus avant, on se rend compte que ce sont en réalité ceux qui ont inventé le jeu et écrit les règles qui ont réellement le pouvoir ! Ceux-là mêmes qui ont tout à gagner à ce que les joueurs soient pris dans la course effrénée du jeu et ne prennent jamais le temps de s’interroger, temps qui leur permettrait de prendre du recul sur le monde, sur leur vie et sur leur société. Ceux-là mêmes qui sont gagnants à ce que les joueurs n’aient ni le temps de se demander s’il n’y aurait pas des personnes qui auraient inventé ce jeu de toutes pièces et commanderaient en coulisse, ni celui de se demander s’il ne serait pas possible d’inventer un autre jeu. Ceux-là mêmes qui ont intérêt à ce que les joueurs adoptent sans s’interroger des règles de jeu écrites à leur insu par d’autres qu’eux ! En fait, le seul réel pouvoir que tu aurais dans un tel jeu, lecteur, serait de refuser d’y jouer. Saisis-en toi ! Si tu en fais bon usage, ce pouvoir pourrait bien te conférer tous les autres pouvoirs dont celui de légiférer.
Peu importe le nom du jeu auquel tu joues, lecteur, qu’il se nomme les échecs, les dames, ou les élections, si ses règles ont été inventées par d’autres sans que tu n’aies eu ton mot à dire, alors tu les subis et ce peu importe la marge de manœuvre qu’elles te laissent. Dans un tel cas, tu ne choisis pas ce qui compte vraiment : les règles. Dans le jeu de la démocratie, la règle des règles stipule que les règles du jeu doivent être établies par les joueurs eux-mêmes, les citoyens. Et le jeu consiste à les remettre en question tous ensemble pour arriver au jeu parfait. Lecteur, tu joues à un jeu dont la règle te demande de choisir celui qui choisira les règles. Réveille-toi, tu ne choisis rien dans ce jeu ! Ni d’y jouer, ni ses règles ! Si toute règle de jeu que les joueurs eux-mêmes n’ont pas ratifiée est nulle, que dire alors du jeu que le peuple subit pour ne pas l’avoir ratifié ?