Le représentant explique aux représentés ce qu’est la démocratie, ne vois-tu pas le problème ?


Le représentant explique aux représentés ce qu’est la démocratie, ne vois-tu pas le problème ?


Le premier qui, dans une société où l’on explique au peuple qu’il a le pouvoir quand il choisit ses maîtres, s’avisera de dire qu’il n’est pas d’accord avec cette conception de la souveraineté populaire, sera le premier fondateur de la société véritablement démocratique. 


On dit qu’il existe deux types de démocratie : celle représentative et celle directe. Mais ça, c’est que l’on t’a inculqué ! La réalité, c’est que la démocratie est une : le pouvoir du peuple. Partant de ce postulat que personne ne remet en question, c’est à toi, membre du peuple, de te demander ce que signifie « avoir le pouvoir ». Est-ce choisir son chef comme le fait sagement le peuple dans une « démocratie représentative » ou est-ce choisir ses lois ? Débattre de cette définition est une question de philosophie, il incombe donc à tout homme de méditer dessus et d’écouter les pensées des uns et des autres à ce sujet ! Assieds-toi donc confortablement, écoute les miennes et médite, toi aussi, sur la définition de ce concept tant sérieux.


La démocratie, c’est « le pouvoir du peuple », jusque là tout le monde est d’accord. Alors, il apparaît évident que ce soit au peuple lui-même de définir ce mot, c’est-à-dire de dire ce que signifie « avoir le pouvoir », et, de vérifier ensuite si son régime est démocratique. C’est en effet la moindre des choses dans un régime libre que de demander aux citoyens leur avis sur le sujet. On dit que le peuple évolue aujourd'hui en démocratie, c’est-à-dire qu’il a le pouvoir mais ce dernier n’a ni le droit de se demander s’il évolue véritablement en démocratie ni celui de se demander ce que veut dire ce mot ! Le faire, c’est être « complotiste » pour la doxa ; pour moi c’est être sage. Enfin quoi ! On exige du peuple qu’il se contente d’apprendre la définition officielle d’un mot qui devrait être débattue tous les ans. Mais qu’on réfléchisse un peu ! D’où vient cette définition que tu apprends et défends fièrement, peuple ? Alors qu’il t’incombe de méditer sur la définition de ce mot et de tenter de le définir toi-même, c’est ton maître qui le fait pour toi et qui élabore le dictionnaire et les livres d’éducation civique que devront apprendre tes enfants à l’école ! Ces manuels qui expliquent ce qu’est la démocratie. Je crois qu’il n’y a rien de plus grotesque que de voir le chef d’un pays — fait déjà antidémocratique en soi — expliquer à son peuple ce que « démocratie » signifie ! Ah si ! En réfléchissant bien, je crois qu’il y a une chose encore plus grotesque : voir ce chef expliquer à son peuple qu’il a le pouvoir quand il choisit à qui il déléguera le pouvoir ! Enfin, lecteur, réveille-toi ! Qu’y a t-il de plus incongru que des représentants expliquant à des représentés comment fonctionne la démocratie ? Qu’un homme de pouvoir expliquant à des gens qu’ils ont le pouvoir en le lui léguant ?

Aujourd’hui, à travers les livres de l’École, les enfants apprennent que la démocratie, c’est élire son représentant. Mais comme le chef de l’École est un ministre qui a un chef lui aussi, le Président du pays, qui a lui aussi de façon officieuse, sournoise mais non moins réelle, des chefs au-dessus de lui — ceux qui lui ont permis d’accéder au trône — , il est aisé de comprendre que celui qui explique au peuple que la démocratie c’est choisir son représentant, n’est autre que l’Éducation Nationale, soumise à un Président, lui-même soumis à des puissances colossales parties prenantes de sa mise au pouvoir ! En d’autres termes celui qui, à l’école, enseigne aux enfants que la démocratie c’est choisir son chef, c’est le chef lui-même. Le chef officiel : celui qui a gagné les élections et le chef officieux : celui qui a permis à l’officiel d’accéder au trône en finançant sa campagne électorale et en le faisant passer massivement dans les médias, dans ses médias !