Et puis, lecteur, quand on a médité sur la nature humaine, on sait que le pouvoir sans contrôle est dangereux. Que cela peut aller jusqu’à créer des monstres. Par conséquent, dans un régime qualifié par le peuple lui-même de tyrannique, d’abusif ou de non démocratique, il incombe à ce peuple de se poser la question de savoir qui, dans ce régime, a le pouvoir de tyranniser ou d’abuser du pouvoir. Eh oui, car un peuple qui se plaint d’être gouverné par des gens qui abusent du pouvoir et qui croit que c’est là la cause profonde de tous ses maux, est un peuple qui n’a pas assez médité sur la nature humaine. C’est un peuple qui n’a pas compris les fondamentaux : « tout homme qui a du pouvoir va jusqu’à ce qu’il trouve des limites ». Celui qui comprend cela comprend que toute personne au pouvoir dans un régime non démocratique, c’est-à-dire dans un régime où les contre-pouvoirs sont inexistants ou trop faibles, a de grandes chances de finir tôt ou tard par en abuser. En fait, lecteur, la question est : qui dans le régime où tu te trouves actuellement est dangereux pour la souveraineté populaire, c’est-à-dire pour la démocratie ? La réponse est simple : ceux qui sont au pouvoir. Eh oui, qui d’autre peut abuser du pouvoir sinon ceux qui sont au pouvoir ? À toi d’observer et d’analyser la société, les statuts sur l’échelle sociale, de façon à pouvoir les identifier et les secouer pour faire trembler leur système. C’est cela qui compte. Quand tu vois que les lois sont mauvaises, pire, qu’il y a des dérives et des abus de pouvoir de la part de ceux qui les votent, cesse de dire que tu es gouverné par des gens dangereux et comprends qu’à partir du moment où des gens gouvernent, c’est-à-dire qu’à partir du moment où il y a des maîtres, il y a danger pour les gouvernés !
Bref, si le roi dans la savane se nomme Jules, que c’est un lion et qu’il fait régner la loi des carnivores, à savoir que les gazelles doivent se faire manger par lui, alors les gazelles n’ont pas besoin qu’on leur explique que le tueur de gazelles se nomme Jules pour qu’elles comprennent qui est leur ennemi. Pour qu’elles le comprennent et évitent de finir dans son estomac, elles doivent comprendre que le danger ce sont les grands fauves : l’espèce des lions, des léopards et des guépards. Eh oui, car si elles se focalisent sur les patronymes des méchants de la savane, elles risquent de commettre deux erreurs. La première est d’éprouver de l’anxiété et de se méfier uniquement de ce Jules qui rôde dans la savane alors que la menace vient de tous les fauves en circulation dans la nature. Elles risquent par conséquent, pendant que leur esprit est focalisé sur ce Jules, de se faire croquer par un autre fauve. La seconde erreur serait de chasser de leur territoire ce lion nommé Jules et en laisser entrer un autre qui n’attend que cela pour dominer la savane. Le problème étant ainsi loin d’être résolu pour les gazelles et autres herbivores. Quant au successeur de l’ancien prédateur, il pourra tirer leçon de son prédécesseur et faire en sorte de ne pas se faire éjecter. Il pourra cogiter sur les moyens d’éviter ou de réprimer une révolte d’herbivores pouvant le chasser du trône. Les proies doivent comprendre que même un prédateur chassé en amène un autre, c’est le système qui veut ça.
La Nature regorge de toutes sortes de prédateurs pour les animaux pacifistes : des loups, des lions, des hyènes, des crocodiles et des requins. Ces proies doivent comprendre qu’en écartant un loup, ils n’anéantissent pas le danger pour autant. Si les herbivores se mettaient à penser, ils comprendraient que c’est toute cette chaîne alimentaire qu’il faut abolir. Ils comprendraient que c’est elle qui fait en sorte que les grands carnivores croquent à leur guise dans les troupeaux de brouteurs d’herbes. Que ces derniers broutent un peu moins et pensent un peu plus et ils comprendront que le nom du loup qui sévit dans leur pays n’est pas très important. S’ils ne le font pas, un nouveau loup finira tôt ou tard par porter le masque d’un guide bienveillant et les ruminants hébétés ne comprendront même pas que leur représentant est leur plus grand danger : qu’il les surveille, les élève, les contrôle, feint de les protéger, légifère pour eux, bref qu’il les maintient dans leur état d’impuissance tout en augmentant son pouvoir et en consolidant le système. Pouvant ainsi les croquer à sa guise.
Extrait de : Je pense, donc je légifère