Personne ne doute du fait qu’une force nous demandant de repousser la mort et de procréer est présente en nous comme en tout être vivant. Cette force, je la nomme le moi aveugle programmé pour survivre. Mais pour faire simple on peut la nommer l’instinct. L’Homme est capable de prendre conscience de cette force qui opère en lui, il est capable de l’observer en méditant. Pourquoi ? Eh bien parce qu’en plus d’être un fruit de la Nature comme tous les autres organismes vivants de cet Univers, il pense : il jouit, contrairement aux autres organismes qui peuplent la Terre, d’un moi intérieur capable de se demander « Qui suis-je ? » et de chercher la réponse. Ces faits établis, il apparait évident qu’aider les enfants à faire grandir ce moi pensant les aiderait à devenir des adultes pleinement conscients de ce qu’est un être humain, de qui ils sont. En d’autres termes, il apparait évident que faire penser les enfants les aiderait à devenir des adultes éveillés, des adultes finissant par comprendre comment fonctionne cette force qui est en eux et ne lui obéissant pas sans le savoir, bref il apparait évident que faire penser les enfants les aiderait à devenir des adultes tout court !
Je dis que faire grandir le moi pensant, le moi intérieur capable de se demander « Qu’est-ce qu’un Homme ? » ou, ce qui est pareil, « Qui suis-je ? », devrait être la priorité des priorités d’un être pensant.
La conscience humaine peut prendre acte de la partie animale présente en nous, elle peut observer cette dernière en méditant. Les prises de conscience apparaissent lorsque l’on s’interroge, c’est-à-dire lorsque l’on pense. Je dis donc que c’est ce moi qui s’interroge qu’il faut tenter de faire mûrir en chaque être humain. C’est en cela que consistera la « révolution véritablement révolutionnaire » chez Homo sapiens: parvenir à faire de chaque homme un petit philosophe qui observe le ciel étoilé en se demandant « Qu’est-ce que je fais là ? », qui s’observe de manière introspective en se demandant « Qui suis-je ? ». Je pense qu’aider les hommes à se connaître eux-mêmes, à comprendre qu’ils sont « vécus par des forces inconnues et impossibles à maitriser** » pourrait, au mieux être la clef qui les mènera vers un monde plus civilisé et au pire, éveiller leur conscience sur leur condition d’être vivant. Il n’y a donc rien à perdre à faire penser les Hommes mais au contraire tout à y gagner ! Je pense même que pour changer véritablement la société, il faut que chaque individu qui la compose change en lui-même. Tu veux que la société devienne juste, civilisée, mature et fasse avancer le progrès moral ? Alors deviens un être juste, civilisé, mature, sensible à la vérité et à la justice ! Tu veux que la société devienne sage ? Deviens-le d’abord ! C’est en ce sens que la grande révolution sera avant tout individuelle et intérieure. De celle-ci découleront toutes les autres, absolument toutes.
On ne devient révolutionnaire ni en serrant le poing et en le levant en l’air ni en portant un vêtement d’une couleur ou un quelconque signe extérieur distinctif ! Un homme devient révolutionnaire en faisant une et une seule chose : penser ! Penser permet d’arriver aux prises de conscience, c’est donc cet acte que tout véritable révolutionnaire réalise avant quoi que ce soit. A défaut de cela, la révolution n’est ni crédible ni efficace et vire souvent en fête au village ou en défouloir collectif. En effet, révolution sans conscience n’est qu’agitation de drapeaux et bruits de sifflets, ce n’est que fumée ! Je le répète : sans conscience, la révolution tourne soit en kermesse où la foule fête, tels des supporters, leur équipe favorite, soit à la guérilla où les « révolutionnaires » laissent libre cours à leur agressivité naturelle, soit en manifestation « anti-conséquences » et non « anti-causes ». La révolution ressemble alors à une révolte menée par des aveugles dans la Caverne de Platon : elle est stérile. Dans cette Caverne, « la révolution véritablement révolutionnaire » aura d’abord lieu en chaque être : dans ce monde d’aveugles, la véritable révolution c’est d’être capable de se demander si l’on évolue dans la Caverne et de douter de la réponse, c’est donc de s’interroger, de faire grandir et de solidifier son esprit critique, son moi pensant !
Dans un monde où les gens ne pensent pas et où ils se moquent de la vérité, bref dans un monde qui ressemble à la Caverne de Platon – un monde d’hommes naïfs et manipulables –, la révolution consistera avant toute chose à faire grandir en soi son moi pensant et par conséquent sa conscience. Ce moi intérieur capable de se demander si on ne serait pas prisonnier de cette Caverne et de douter de la réponse. Sans cela, la révolution dans la Caverne sera toujours une révolution d’aveugles aux prises avec les « ombres » des problèmes et non avec les problèmes réels, c’est-à-dire avec les conséquences et non avec les causes à ces dernières. Sans cela, on observera souvent des pauvres âmes humaines égarées crier sur ce que l’on aura voulu qu’elles crient, tels des singes dans une cage qui hurlent et s’en prennent au jet d’eau qui les mouille et non à celui qui à l’extérieur de la cage appuie sur le robinet de la douche ! Sans cela on observera beaucoup de gens révoltés mais très peu de révolutionnaires! Il ne faut pas confondre ces deux catégories. Une personne peut être révoltée sans être révolutionnaire! Pour preuve, il suffit d’observer les manifestations de gens mécontents : ils sont fâchés et révoltés certes, mais jouissant pour la plupart d’un moi pensant faible, ils sont souvent fâchés contre des conséquences et non contre la cause commune à ces dernières ! Pire ils ne la cherchent pas et se contentent comme ces singes de s’en prendre au robinet éclabousseur !
*« La révolution véritablement révolutionnaire se réalisera, non pas dans le monde extérieur, mais dans l’âme et la chair des êtres humains ». Le Meilleur des mondes. Aldous Huxley
**Le Livre du ça. Georg Groddeck
Le Pouvoir du peuple, les causes et les origines naturelles de la démocratie indirecte