La mission première de l'homme est faire grandir son moi-pensant

« L'enfant est le père de l’homme »

Je nomme moi-pensant ce moi intérieur capable de poser des questions, de chercher les réponses à ces questions et de les mettre en doute. Ce moi intérieur qui veut connaître la vérité et qui de par cette quête du vrai est capable de réaliser des prises de conscience. Le moi-pensant peut être qualifié de conscience en cela qu’il est cette partie de l’homme capable de comprendre ou de ne pas comprendre une chose en pleine conscience : comprendre en ayant conscience d’avoir compris ou, au contraire, ne pas comprendre en ayant conscience de ne pas avoir compris, voulant ainsi comprendre. Bref le moi-pensant est ce qui rend l’homme capable d’intérioriser l’immense idée : « Je ne sais rien » et d’entreprendre la quête du savoir.

Par conséquent, ce que je nomme moi-pensant est ce moi intérieur capable de se demander « Qui suis-je ? », de vivre pour trouver la réponse et de prendre conscience du moi-aveugle programmé pour survivre et se reproduire qui évolue en chacun d’entre nous.

Je nomme moi aveugle programmé pour survivre et se reproduire, cette partie animale, cette force qui est présente en tout être vivant et qui nous demande d’obéir à quatre grands commandements : manger, fuir le danger, se battre et se reproduire. Bref, le moi aveugle est cette nature qui gît au plus profond de nous et qui nous demande de survivre et d’assurer une descendance.

Tout homme possède un moi-pensant et un moi aveugle programmé pour survivre et se reproduire. Le moi-pensant est la partie de l’homme qui est capable d’observer le moi aveugle programmé pour survivre et se reproduire. Ainsi, quand le moi-pensant d’un homme est mature, ce dernier n’obéit pas à son moi aveugle sans le savoir et sans le connaître. L’homme doté d’un moi-pensant immature obéit à son animalité sans le savoir. Ainsi, il peut se perdre et être l’objet de toutes les manipulations de la part de ceux qui ont quant à eux médité sur la nature profonde de ce moi aveugle programmé pour survivre et se reproduire, c’est-à-dire sur la nature humaine.

Je crois fermement que la mission première des hommes est qu’il fassent grandir leur moi-pensant. Je soutiens que tous les malheurs du genre humain sont, ont toujours été, et seront toujours dus au faible moi-pensant de la majorité des Hommes. J’affirme que tous les ingrédients sont dans la société, réunis pour anesthésier ce moi-pensant. Moi-pensant qui doit être pris en charge dès l’enfance pour s’épanouir correctement. C’est cette conviction profonde qui m’a poussé à prendre le stylo à l’âge de vingt ans. En effet, si j’ai commencé à coucher mes pensées sur papier, c’est pour faire connaître aux hommes un message important à mes yeux.

Tout homme possède un moi-pensant. Plus ou moins développé. Je soutiens que ce moi-pensant ne demande qu’à grandir chez l’enfant. En témoignent les petits qui connaissent tous une période où ils posent de grandes questions. La mission première de l’Homme est d’aider ce petit embryon de philosophe présent en chaque enfant à se developer. De sorte qu’ils deviennent des adultes sensibles à la vérité, désireux de sens, dotés d’un minium d’esprit critique, immunisés contre la manipulation et la précipitation, les dérives sectaires, les dogmes castrateurs, les dangers du conformisme intellectuel, de la soumission aveugle au récit de l’autorité, les comportements de groupe absurdes, et enfin, pour qu’ils fassent connaissance avec leur moi aveugle pour ne pas lui obéir aveuglément. En effet, obéir aveuglément à son moi aveugle programmé pour survivre engendre quatre principaux dangers :

a) faire triompher les lois injustes de la Nature qui pousse chaque être vivant à être, entre autres, le concurrent, voire l’ennemi, de son frère,

b) permettre à quiconque ayant médité un minimum sur ce moi aveugle de manipuler ceux qui n’ont pas fait ce travail introspectif,

c) se perdre en interprétant mal ce que demande le moi aveugle,

d) se perdre dans une société qui a évolué trop vite et qui n’a pas laissé le temps au moi aveugle de la suivre, c’est-à-dire se perdre en obéissant sans le savoir et sans le connaître à un moi aveugle qui n’a pas été conçu pour vivre dans la société actuelle et son progrès mais dans la Nature.


Bref, la mission première de l’Homme est de faire grandir le moi-pensant humain afin de construire des sociétés d'adultes véritables : des hommes civilisés et non ces « chaînons entre l’animal et l’homme vraiment humain ». Chaînons manquants qui obéissent à leurs instincts sans le savoir et sans les connaître et qui finissent par faire triompher l’injustice sans en être vraiment conscients puisqu’il faudrait pour cela qu’ils jouissent de ce dont ils sont justement dépourvus : un moi intérieur capable de se demander si telle ou telle chose est juste ou non, bref, un moi-pensant mature.

Je répète, la mission première de l’Homme est qu’il fasse grandir son moi-pensant : ce moi intérieur chercheur de vérité et capable de réaliser des prises de conscience, ce moi intérieur capable de faire connaissance avec le moi aveugle, c’est-à-dire apte à comprendre ce qu’est un homme. Je pense que tout le reste, absolument tout le reste, y compris le développement des capacités cognitives, n’est que détail. J’affirme même que développer les capacités cognitives d’une personne sans se préoccuper de la croissance de son moi-pensant, pire, en anesthésiant ce dernier, est dangereux.

Il me semble que le monde est composé d’une grande majorité de personnes jouissant d’un moi-pensant immature et d’une petite minorité jouissant d’un moi-pensant développé. Fait expliquant à chaque époque, le sentiment de décalage que ressentent ces esprits éveillés au milieu de leurs contemporains. J’invite ces personnes, qui se reconnaîtront à travers ces lignes, à prendre au sérieux ce qu’elles sont en train de lire. Je leur demande de méditer sur ce que je dis et de comprendre que rien n’évoluera dans le bon sens dans le monde des hommes tant que l’on ne s’adonnera pas à cet éveil de l’esprit. C’est-à-dire tant que l’on ne prendra pas au sérieux, dès l’enfance, ce travail qui consiste à faire grandir le moi-pensant. Ce que je vous donne à lire ici est le plus court résumé de la théorie que je développais à vingt ans. Une théorie qui, prise au sérieux, pourrait à mon sens être à l’origine de la plus grande révolution que n’ait jamais connue Homo sapiens : le grand éveil. Celui qui enseignera aux hommes à se connaître eux-mêmes et qui les émancipera de toutes leurs chaînes et je dis bien toutes leurs chaînes. Les personnes qui ne comprennent absolument rien à ces lignes, qui les trouvent étranges, ésotériques ou qui ont la sensation de lire des phrases écrites dans une langue étrangère, ne peuvent être à l’origine de l’entreprise de ce projet. Le peuvent seulement celles qui les ont comprises, ne serait-ce qu’un peu, ou qui les ont trouvées intéressantes ou intrigantes. Je crois sincèrement que sans tenter de mener à bien ce projet d’éveil du moi-pensant, l’humanité stagnera à un stade infantile, les injustices seront toujours aussi présentes le lendemain que la veille et les hommes seront toujours plus ou moins semblables à ces chasseurs-cueilleurs qui erraient dans les savanes il y a 10.000 ans, le progrès technologique dans les mains et des connaissances dans le cerveau, en plus, c’est tout.

J’ai conscience de l’apparence prophétique de mon propos, il n’en est rien, mon développement est très concret. C’est de la psychologie, de la biologie et peut-être même de la neuroscience. En effet, si vous ne parlez pas à un bébé, il devient un adulte qui n’aura pas acquis la parole, si vous n’apprenez pas à lire ou écrire à un enfant, il devient un adulte analphabète, si vous n’apprenez pas un instrument de musique à un enfant, il ne sait pas y jouer une fois adulte. Tout cela est logique et concret : les zones de son cerveau qui concernent l’apprentissage de la langue, de la lecture, de l’écriture ou de la musique, ne sont pas activées. Pire, elles sont atrophiées. Pourtant, tout adulte est capable de parler, de lire, d’écrire, et de jouer d’un instrument de musique pour peu qu’on le lui enseigne. Je crois que c’est pareil en ce qui concerne la plus grande capacité de l’Homme : s’interroger, douter, bref penser. Si vous ne stimulez pas le moi-pensant d’un enfant, alors il deviendra un adulte insensible à la vérité, sans esprit critique, inapte à se poser les bonnes questions, à douter sainement et il ne sera même pas conscient de tous ses points faibles. Comme l’avait compris Montessori : « L’intelligence de l’homme n’émerge pas du néant : elle s’édifie sur les fondations élaborées par l’enfant pendant ses périodes sensibles ». Je ne dis pas qu’en enseignant un instrument de musique à un enfant, on en fera à coup sûr un Mozart, ni qu’en s’adonnant à la croissance de leur moi-pensant, tous les enfants deviendront des Socrate. Je dis simplement qu’en s’adonnant sincèrement et sérieusement à un tel projet, on permettrait à nombre de petits Socrate d’éclore, mais qu’aussi, on éviterait que la société engendre une masse d’adultes immatures : de personnes insensibles à la vérité, dépourvues d’esprit critique, manipulables et dociles à souhait, malléables intellectuellement, obéissant à leurs instincts sans le savoir, c’est-à-dire sans se connaître. Autrement dit, des êtres pensants non finis.


Quand les êtres au moi-pensant développé prendront à coeur mon message, alors, petit à petit, le monde des hommes prendra une autre tournure. Non, je ne soutiens pas que l’on peut faire de chaque enfant un grand philosophe. Je dis que le propre de l’homme est de s’interroger, de douter, de chercher les réponses à ses interrogations et, par conséquent, que la mission des hommes est de tenter de faire grandir en chaque enfant ce moi qui s’interroge, doute et pense. Ce moi intérieur qui pousse le petit Homo sapiens à demander « Pourquoi ? ». Oui, encore une fois, si enseigner les mathématiques aux enfants n’en fait pas forcément des Einstein ou des Newton, cela leur procure une base logico-mathématique. Ainsi, tous les enfants ayant appris à compter et à calculer finissent par savoir que un et font deux et une fois cette base acquise, on ne peut plus leur retirer ce savoir. De la même façon, en fortifiant le moi-pensant chez l’enfant, on lui permet d’acquérir les bases de tout être pensant : un esprit critique, une curiosité, une conscience, une capacité à douter et à remettre en question ses acquis, une connaissance de soi, un besoin de sens. Le moi-pensant est un « muscle » qui comme tous les muscles doit être entraîné pour se fortifier, sinon il s’atrophie. Pour l’intelligence et toutes ses dimensions, les capacités cognitives etc., c’est pareil, de même pour la capacité de poser des questions et de chercher les réponses, capacité permettant à un homme de se connaître. J’insiste sur le fait que quand le petit enfant pose une question, il s’agit de sa volonté de savoir qui émerge et qui ne demande qu’à grandir. Il convient donc de l’accompagner dans cette quête de maturation spirituelle. Au lieu de cela, nous l’anesthésions via la société et l’École. Le moi-pensant est une petite flamme qui ne demande qu’à prendre mais au lieu de l’alimenter pour qu’elle devienne un soleil éclairant l’être de l’intérieur, nous posons une brique dessus. Ce geste génère le monde que nous connaissons : un monde où une minorité d’êtres au moi-pensant développé cohabite avec une majorité d’êtres à la conscience immature : d’adultes se moquant de la vérité et obéissant à leur moi aveugle programmé pour survivre et se reproduire sans le savoir. Nous enseignons à lire, écrire et compter aux enfants mais en parallèle, nous en faisons des esprits castrés, des consciences illettrées : des adultes au moi-pensant endormi.


Il faut déjà être doté d’un moi-pensant développé pour s’intéresser à ce préambule. Dès lors, il est inutile d’attendre qu’il retienne l’attention d’une majorité pour qui il sonnera comme un langage extraterrestre. Mettons-nous au travail et commençons par méditer sur l’idée du moi-pensant et diffusons-la. Si nous ne le faisons pas, nous passerons notre vie entière à déplorer que le monde dans lequel nous vivons soit généré par les choix de la majorité, sans réfléchir profondément au remède qui apaisera cette société infantilisée. Le monde des hommes est immature, c’est incontestable. Il faut donc l’aider à franchir ce cap, en deux mots : grandir en conscience. Et il n’y a qu’un seul moyen pour y parvenir : faire grandir les hommes, mieux, faire grandir ce qu’il y a de plus humain en eux, leur moi-pensant. De même qu’il y a un grand arbre en chaque petit pépin, il y a un moi-pensant en chaque enfant, notre mission est d’en prendre soin et de lui apporter les ingrédients nécessaires à son développement. Le moi-pensant est inné à l’homme, mais sa maturation est acquise et non systématique : elle dépend du contexte et exige, au mieux, une prise en charge, au moins une stimulation. Eh oui, contrairement aux autres animaux, l’homme naît prématuré, et donc inachevé. Pour parvenir à maturation physique, son corps a besoin de recevoir les aliments nécessaires. Pour parvenir à maturation psychique et intellectuelle, son esprit aussi : « L’animal a vite fini son développement. Par contre, l’homme doit se faire lui-même pour être homme ; il doit se conquérir lui-même, précisément parce qu’il est esprit. » Après avoir fait parler Hegel, je vais laisser la première femme médecin d’Italie, la psychiatre Maria Montessori, conclure mon préambule sur le moi-pensant. En effet, dix ans après avoir développé mon concept du moi-pensant, je retrouve dans son premier ouvrage, l’Enfant, les mots justes pour exprimer mon ressenti.

« Le nouveau-né n’est pas seulement un corps prêt à fonctionner ; c’est un embryon spirituel pourvu de directives psychiques latentes. Il serait absurde de penser que l’homme, précisément, lui qui est si caractéristique, si différent des autres créatures de par la grandeur de sa vie psychique, soit le seul être qui ne possèderait pas un but de développement psychique. » 

« En conséquence, la perfection d’un adulte dépend de l’enfant qu’il a été. Nous, adultes, nous procédons de l’enfant. Nous sommes ses fils et nous dépendons de lui et de son travail ; de la même manière que l’enfant est notre fils et qu’il dépend de nous et de notre travail. »

« « L'enfant est le père de l’homme. » Le plein pouvoir de l’adulte procède de la possibilité qu’a eue son « père-enfant » de réaliser pleinement la mission secrète dont il était investi. »

« Par analogie, on pourrait dire que l’homme, au travers des soins délicats qu’il doit nécessairement prodiguer au nouveau-né, se doit d’espérer la naissance spirituelle de l’homme. » ; « Il devrait avoir une page qui précède toutes les autres, sur laquelle serait consigné ce que l’homme civilisé doit faire pour aider celui qui naît, mais cette page est blanche ! »

« Ce qui pourrait donner une impulsion définitive et puissante à l’amélioration de l’humanité n’est pas l’enfant physique, mais l’enfant psychique. L’esprit de l’enfant pourrait déterminer ce que peut être le véritable progrès des hommes et, qui sait, présager le début d’une nouvelle civilisation. »

Extrait de Ploutocratie, la cause des causes de tous nos maux ? Essai à paraître