Argumentum ad pejus ou sophisme du pire

Il y a pire encore qu’un peuple manifestant contre des conséquences sans en avoir identifié les causes et sans comprendre qu’une telle attitude est favorable au pouvoir : il y a les gens qui rétorquent à ceux dénoncent le manque de démocratie dans leur pays, que « c’est pire ailleurs, qu’il existe des pays où la coercition est plus grande, qu’il en existe d’autres où les gens n’ont même pas le droit de manifester etc. » Cet argument du « pire ailleurs », je le dénonce, mieux, je lui donne un nom pour mieux combattre le fléau qu’il symbolise : argumentum ad pejus ou sophisme du pire. Eh oui, lecteur, si « mal nommer les choses, c’est ajouter au malheur de ce monde», ne pas les nommer est pire. On ne peut se battre ou dénoncer un fléau efficacement, sans le nommer. Il y a beaucoup de choses à faire dans l’entreprise qui consiste à se battre contre un fléau, mais la première de toutes, c’est de le nommer. Cet argument du « pire ailleurs » est très dangereux. D’une part parce que le fait qu’ailleurs soit pire, n’est pas une raison pour ne pas dénoncer ce qui ne va pas chez soi et d’autre part parce cet argument laisse sous-entendre que si la réalité est pire ailleurs, c’est que nous sommes en démocratie. Ce qui n’a aucun sens. Un peuple peut tout à fait ne pas évoluer au sein d’une franche dictature sans pour autant être sous un régime démocratique. Un autre peuple peut tout à fait évoluer au sein d’une véritable dictature, bien qu’il en existe des plus violentes ailleurs. Bref, le fait qu’ailleurs soit pire, n’est ni une garantie que tu évolues en démocratie, ni une preuve que tu n’évolues pas en régime autoritaire. Pire, cet argument est très dangereux en ce sens qu’il inhibe le questionnement du peuple sur son niveau de démocratie, ce qui est un handicap pour sa progression vers une société plus juste. Je le répète, ne pas voir le danger de l’impossibilité de s’interroger sur le degré de démocratie de son pays ou de l’impossibilité de mettre la lumière sur des problèmes qui y existent, sous prétexte « qu’ailleurs, c’est pire », est inquiétant ! Cet argument est nocif pour la liberté d’expression et la souveraineté d’un peuple : il empêche les humains de dénoncer un autoritarisme naissant parce qu’il en existe un autre plus violent ailleurs ! Il s’agit d’une réelle manipulation de masse dont le but est d’interdire au citoyen de s’interroger sur son régime politique ou de faire naître en lui la crainte de se ridiculiser en le qualifiant d’autoritaire sous prétexte qu’il existe des autoritarismes pires ailleurs.

Extrait de Ploutocratie, la cause des causes de tous nos maux ? Essai à paraître.