Je marche avec les manifestants pour les informer de la stérilité des manifestations

Cette période troublée a mis en lumière un autre constat de plus grande importance à mes yeux. Elle a démontré que nombre de gens ne veulent pas de libertés et qu’ils confondent la liberté de consommer avec la liberté tout court. Comme je le faisais déjà remarquer dans mon essai Le Monopoly, essai sur la société du consumérisme et de l’hyper-travail du 21siècle, les hommes ne veulent pas tellement de démocratie, c’est-à-dire de pouvoir et de liberté. Ce qu’ils veulent avant toute chose, c’est que le maître ne soit pas trop violent. Tant que le régime ne bascule pas dans une dictature sanguinaire ou insensée, tant que les lois ne sont pas trop liberticides, ils ne se rebellent pas. Alors dans l’empire capitaliste, c’est-à-dire dans un monde où les maîtres dominent sur des légions de travailleurs-consommateurs et dans lequel les médias prônent un récit contraire au réel : « égalité », « justice », « démocratie », « fraternité », il suffit aux maîtres de laisser les travailleurs travailler et les consommateurs consommer « librement » pour qu’ils se contentent de quelques manifestations-défouloirs et pour que le système se maintienne. Pour qu’il soit consolidé par des millions de travailleurs-consommateurs-électeurs. En fait, le monde d’« avant Covid », ce monde que veulent retrouver les manifestants qui pestent contre le passe sanitaire, n’est pas plus démocratique au sens strict du terme que le monde où des gens pleurent dans la rue parce qu’ils sont réduits à des citoyens de seconde zone. En fait, ce nouveau monde est seulement plus liberticide que l’ancien, pas moins démocratique au vrai sens du terme ! Mais cela, le travailleur-consommateur-électeur ne le voit pas, il n’a pas les lunettes adéquates pour le constater. En fait, le « monde d’avant » était une ploutocratie souple qui a basculé dans une ploutocratie autoritaire. Ce qui pour les peuples revient à évoluer dans un régime autoritaire. Mais le régime n’a pas changé de fond pour celui qui l’observe avec le matériel adéquat : les lunettes de philosophe. Ainsi, en observant les toutes premières manifestations « anti-passe », et je dis bien les toutes premières manifestations car je ne sais pas la suite qu’elles prendront — révolution contrôlée, abolition de certaines lois, naissance d’un réel mouvement souverainiste etc. — je voyais dans ces rues pleines de gens criant « liberté ! », une marée de consommateurs, un cheptel de bétail humain qui criait « liberté de consommer ! ». C'est d’ailleurs plus ou moins, d’une façon ou d’une autre, ce que j’ai toujours observé tout au long de ma vie : dans cette société de l’hyper-travail et de l’hyperconsommation : on manifeste un jour, un mois, puis on regagne le monde du salariat et on consomme des Big Mac. Je tiens à préciser que je distingue les gens qui manifestent contre l’obligation de s’injecter un produit expérimental et contre la dangereuse société du passe d’avec ceux qui manifestent avant tout parce qu’ils ne peuvent plus se rendre librement au restaurant, au cinéma, ou au club vacance. C’est-à-dire parce qu’ils ne sont plus libres de jouer leur rôle d’esclave de l’Empire. Ces gens n’ont rien à voir. Tout les oppose. Et bien que je tente ici d’expliquer que les manifestations sont inutiles pour le peuple et servent le Pouvoir, je marche aux côtés des manifestants qui s’opposent à la société pharmaco-punitive et à ses terribles dérives liberticides. Et c’est bel et bien parce que je suis avec eux que j’aimerais qu’ils méditent sur mes réflexions concernant les manifestations. Je crois qu’elles sont importantes pour celui qui a comme projet de révolutionner le système. Ce que les manifestants doivent comprendre, c’est que ce que nous vivons est une suite logique des évènements : les individus au Pouvoir voient toujours plus grand, ils en veulent toujours plus et ne s’arrêtent pas tant qu’ils n’y rencontrent pas une limite[1]. La différence entre le « monde d’avant » et cet été 2021, c'est qu’avant, les gens choisissaient leurs maîtres et que ces derniers ne votaient pas des lois trop liberticides. Mais c'est là, la seule différence ! Elle est de taille dans la vie quotidienne pour les citoyens, certes, mais il n’empêche, le déficit en démocratie y était autant réel hier qu’aujourd’hui.

 

[1] « C'est une expérience éternelle que tout homme qui a du pouvoir est porté à en abuser; il va jusqu'à ce qu'il trouve des limites. » De l’Esprit des lois. Montesquieu