Le monde « avant covid » était-il réellement si différent ?

Pour clore ce chapitre, je vais te confier un questionnement qui m’attriste particulièrement : est-ce qu’au fond le peuple est si désireux que ça d’avoir le pouvoir ? Ne se moquerait-il pas d’être ou de ne pas être en démocratie ? 

Je me dis en effet que tant que la masse jouira d’un moi-pensant faible, ses désirs se limiteront à deux choses : consommer et se plaindre du chef en place ! J’accuse cette masse de ne pas vouloir être réellement citoyenne, de ne pas vouloir discuter des lois, de ne pas rechercher la société idéale et la cause des causes de tous les maux dont souffre le pays ! J’accuse les gens de se complaire dans leur rôle de travailleurs-consommateurs-électeurs. Restreignez leur droit de consommation et vous verrez qu’ils se rebelleront ! Le jour où la masse ne pourra plus acheter de cigarettes, de baskets de marque, de voitures, de hamburgers, de smartphones, de jouets pour ses enfants ou sera forcée de renoncer à ses abonnements Netflix ou Canal+ sport, alors là, oui, elle se mettra en colère. Pour le reste, tant pis si la démocratie est bafouée ! Que lui importe d’avoir le pouvoir tant qu’elle conserve un minimum de pouvoir d’achat ! Cette société a transformé les citoyens en consommateurs qui tels des enfants, s’en remettent aux lois qu’on leur pond pour peu qu’elles ne perturbent pas leur liberté de consommer ! Faites-les vivre dans une géante fête foraine, je veux dire, transformez leur pays tout entier en Disneyland, c’est-à-dire en paradis de gadgets en vente libre, de manèges et de sucreries à go-go, bref en un El Dorado d’enfants insouciants, capricieux, hyper-connectés, et ils se sentiront heureux et libres ! Et ce, d’autant plus s’ils ont le droit de pester contre le système en place ou son représentant. En effet, en criant contre leurs représentants qui s’expriment à travers l’écran de la télévision de « Disneyland », les consommateurs-électeurs se déchaînent : ils laissent libre cours à leur agressivité naturelle. Cela les « décharge » et augmente par conséquent leur bien-être. C’est biologique, hormonal. En d’autres termes, les « mal éveillés » qui jouissent d’un moi-pensant immature, sont des êtres qui n’ont jamais fait connaissance avec eux-mêmes et qui, tels des supporters dans un stade de football, vivent des montées d’adrénaline et connaissent une augmentation de leur bien-être quand ils hurlent ensemble sur quelqu’un. Sur ce que leurs instincts interprètent comme l’ennemi commun. Alors quand il s’avère que ce quelqu’un contre qui ils pestent librement et sans filtre est le chef de meute, ces mal éveillés sont convaincus d’être libres et souverains : le leurre de la démocratie représentative est atteint ! Faites croire à un peuple que la liberté d’expression est automatiquement synonyme de démocratie et il pensera que le fait de pouvoir exprimer directement son mécontentement au grand chef, avec véhémence ou avec moquerie, est synonyme de démocratie. En tous les cas, la masse semble bien se moquer de savoir si elle est en démocratie ou non : indifférente à la vérité, son intérêt apparent est de consommer et de laisser libre cours à son agressivité naturelle. Pouvoir hurler contre son représentant la rend heureuse, la pauvre ! Les maîtres de « Disneyland » connaissent bien les enfants politiques qu’ils gèrent comme du bétail : ils les laissent crier, faire leurs caprices dans la rue ou derrière leurs écrans, ils leur réservent même un petit espace dans le « parc » pour qu’ils puissent se regrouper et se plaindre en cortège quand ils sont vraiment en colère. Cela les défoule et empêche la grande révolution, celle qui ferait trembler les maîtres du « parc » pour enfants politiques, d’advenir. Ces maîtres, heureux de connaître la recette pour tuer toute révolution dans l'œuf, embelliront toujours un peu plus ce « Disneyland ». Tout le monde y gagne. Tout le monde, sauf celui qui médite et qui déplore ce système qu’il subit malgré lui parce qu’il y est né. La crise sanitaire de 2020 en est le meilleur exemple. En effet, au moment même où je relis ce livre en vue de le publier, nous sommes soumis en France à un couvre feu prétendument sanitaire et absolument absurde en début de soirée. Après deux confinements, des couvre-feux, des auto-attestations pour sortir de chez soi, des fermetures de magasins « non-essentiels », une restriction du nombre de personnes pour les repas de famille etc., les gens veulent retrouver le monde « d’avant covid ». Ils se demandent quand est-ce que ce monde reviendra mais ce qu’ils ignorent, c’est que ce monde qu’ils espèrent revoir est le même que celui dans lequel ils sont contraints de vivre actuellement et qu’ils considèrent comme oppressant et liberticide. La forme change mais dans le fond, c’est le même monde : celui dominé par l’oligarchie. Une oligarchie ayant créé un gigantesque cheptel de consommateurs. En empêchant ce cheptel d’aller croquer librement dans ses Big Mac pendant la crise sanitaire, elle l’a frustré et il s’est senti opprimé. La possibilité de consommer librement, voilà pour une grande partie du cheptel de consommateurs la grande différence entre le monde d’avant et après covid. Cela ne va pas plus loin. Voilà la dure réalité de cette crise anxiogène que traversent les peuples pendant toutes ces restrictions prétendument sanitaires et réellement mortifères. Avant cette crise, les gens pouvaient aller croquer librement dans leur Big Mac en y amenant leurs enfants, mais peu nombreux sont ceux qui, réflexion faite, entraperçoivent qu’ils n’étaient pas plus souverains dans leur pays ni moins esclaves du système qu’au pic le plus haut des mesures restrictives de la crise. Dès que les mesures seront levées, dès que la permission de retourner chez McDonald’s sera de nouveau accordée, dès que les déplacements et les voyages ne seront plus soumis à l’auto-autorisation ou à des tests qui n’en finissent plus, la masse des hommes se contentera de retrouver ce qui était pour elle la « vie normale ». Elle se fichera de ne pas évoluer en démocratie et d’être dominée par une oligarchie. Eh oui, la masse qui se plaint des abus de pouvoir et crie de ne pas être en démocratie aujourd’hui aura tout oublié dès demain pour peu qu’on lui rende quelques libertés dont celle de consommer. Quand elle pourra de nouveau accéder aux Big Mac librement, elle fera ce qu’elle a toujours fait quand quelqu’un l’avertit qu’elle n’évolue pas en démocratie : elle écoutera, parfois avec intérêt, mais toujours en continuant sa routine travailler-consommer-élire, à peine le propos terminé. Ce que ne comprennent pas les gens qui se plaignent de la gestion de cette crise et des mesures liberticides, c’est que tout cela est une suite logique des événements. Seuls ceux qui dénonçaient cette oligarchie et se plaignaient du manque de démocratie avant cette crise avaient anticipé ce genre de scénarios et de dérives liberticides. En fait, lecteur, le « monde d’avant » comme ils disent pendant cette crise, n’était déjà pas « normal ». Il faut que tu le comprennes. Le « monde d’avant » est le même que celui d’aujourd’hui, c’est celui de l’oligarchie. La différence est qu’avant le Covid, l’oligarchie était souple et prônait, parce que cela l’arrangeait, la liberté de consommer des produits et des services. Désormais elle prône santé et sécurité pour avoir un contrôle total des masses. Le plus inquiétant dans tout cela n’est pas tant le fait que cette oligarchie puisse faire la pluie et le beau temps dans les pays qu’elle contrôle mais le fait que les gens ne l’ont pas compris et veulent retrouver le « monde d’avant ». À travers le prisme de cette crise, ces pauvres êtres humains pensent qu’ils sont en train de se diriger vers une société de moins en moins démocratique sans savoir qu’elle n’est pas moins démocratique aujourd’hui qu’elle ne l’était hier. La seule différence est qu’aujourd’hui il faut être aveugle pour ne pas voir les mesures et les lois liberticides décidées contre le peuple et fondées sur une guerre de l’information. Il n’empêche que le fond du problème reste le même : des maîtres font les lois pour leurs sujets ! Les pauvres et naïfs sujets croient que leur monde démocratique est en danger du fait de ne plus être libres de consommer librement, d’aller voir leurs grands-parents en Ehpad ou de voyager librement, c’est-à-dire sans pass sanitaire, mais ils ne se rendent pas compte que le fond du problème n’a pas changé : le système électoral et les lois adoptées sans leur consentement sont à l’origine de la tyrannie qu’ils subissent. En fait, lecteur, le Covid a allumé la lumière dans une pièce obscure mais cela n’a fait qu’éclairer des réalités qui existaient déjà avant que l’on ne presse l’interrupteur : les peuples ne sont absolument pas en pays démocratiques puisqu’ils ne choisissent pas les lois mais se contentent de choisir ceux qui les font, sans aucun contre pouvoir en cas de trahisons ou d’abus. Tant que les lois n’étaient pas liberticides, ils n’avaient rien à redire ou ne voyaient pas la réalité. Quand elles ont commencé à être de plus en plus contraignantes, pour ne pas dire folles, liberticides et mortifères — embryon du crédit social à la chinoise et ostracisme des « mauvais citoyens » —, ils ont commencé à sentir la chaleur des flammes dans l’endroit où ils se trouvaient : un enfer anti-démocratique. 

Extrait de Ploutocratie, la cause des causes de tous nos maux ? Essai à paraître.