Élections et manifestations : des outils du système ?

Revenons aux manifestations, lecteur. Quand tu te fais dépouiller par tes représentants ou que tu subis leurs abus de pouvoir, que peux-tu faire d’autre, en l’état actuel des choses, que de le dénoncer en hurlant ou en chantant dans les rues ? Eh oui, lecteur, prends-en conscience : les manifestations, contrairement à ce que croient les manifestants, sont souvent stériles. Pire, elles entretiennent le système qui cause ce qu’ils dénoncent. En effet, en plus d’être des soupapes pour le trop-plein de mécontentement, les manifestations sont des exutoires qui donnent l’illusion aux participants de pouvoir changer les choses. Ils se défoulent ensemble, ils ont la sensation qu’il se passe quelque chose dans leur ville, dans leur pays, que la révolution est en marche mais dès le lendemain de la kermesse, tout recommence exactement comme la veille. Eh oui, lecteur, au lendemain d’une manifestation, la seule chose ayant changé pour les manifestants, c’est leur voix : ils sont enroués ! Ils ont dépensé leur énergie en défilant dans la rue et en criant tout un après-midi. Le système qui les oppresse, quant à lui, n’est pas plus ébranlé que la veille. Au contraire, il se rit de voir les électeurs manifester, aller aux urnes, manifester à nouveau puis retourner dans le moule du salariat pour s’offrir à l’ogre capitaliste dès le lendemain. Ou de voir les abstentionnistes manifester, dénoncer le leurre que représente l’élection, manifester à nouveau puis se vendre au même ogre. Tout cela conforte l’ogre dans son autorisation à manifester. Et offre la possibilité à ses chiens de garde de rappeler aux citoyens ce qui est absolument faux : « vous êtes en démocratie puisque contrairement aux régimes véritablement autoritaires, vous avez le droit de manifester ». Je te le redemande, lecteur, quand tu te fais dépouiller de tes libertés, de ta souveraineté et que tu subis impuissant les abus de pouvoir de ceux qui te gouvernent, quel recours t’apporte la représentation, c’est-à-dire la démocratie indirecte ? Les maîtres de ce jeu auquel tu participes depuis trop longtemps ont inventé un jeu dont les règles engendrent deux choses inévitables : elles leur offrent le pouvoir et te donnent l’illusion de l’avoir. Dans ce jeu, tu ne peux que manifester contre leurs décisions s’ils venaient à te trahir ou à abuser de leur pouvoir. Si tu continues à y jouer en y croyant, tu en seras non seulement l’éternel grand perdant mais également le plus grand responsable de ta défaite. Penser pouvoir changer les choses en jouant à un jeu créé par d’autres et dont il est écrit dans les règles que l’on est condamné à la défaite, c’est-à-dire en jouant avec les règles dudit jeu, est une illusion. Il faut en sortir ou en réécrire les règles ! Les abstentionnistes s'abstiennent de jouer à un jeu qui les infantilise : l’élection de maîtres. Les autres, en élisant leurs représentants tout-puissants, s'abstiennent de jouer à un jeu qui leur offrirait le pouvoir : la démocratie. Ce sont eux les vrais abstentionnistes, eux qui confondent le droit d’élire un maître et le droit de voter les lois. Eux qui, en élisant des représentants tout-puissants s’abstiennent de soutenir la démocratie. Voilà pourquoi je réponds à ceux qui me reprochent mon abstentionnisme électoral : je ne « vote » pas parce que je ne veux pas de maîtres, je veux la démocratie. Je répète : je ne m’abstiens pas de voter mais d’élire ! Je répète encore une fois : si je m’abstiens d’élire ceux qui votent les lois, c’est parce que je veux les voter moi-même. Et voilà pourquoi je crois tout à fait possible que si de grands révolutionnaires s’abstiennent de manifester et d’élire, c’est parce qu’ils refusent de jouer avec une « carte » conçue par le système pour le servir.