Se battre contre un incendie, c’est se battre contre un danger mais ce n’est pas traiter le problème de fond. Le problème, c’est celui qui joue avec les allumettes, c’est lui la cause de l’incendie et c’est de lui qu’il faut s’occuper. À défaut de chercher le problème, on aura beau se battre contre le danger, on lui réservera une longue vie puisque l’on n’aura pas identifié sa source. Celui qui se moque de la vérité peut passer sa vie à se plaindre d’une conséquence alors qu’en méditant un peu, il identifierait la cause desdites conséquences subies et réglerait le problème efficacement. L’homme qui ne s’interroge jamais parce qu’il se moque de la vérité est le problème dans la société des hommes : il peut passer sa vie à se plaindre des ronces et autres mauvaises herbes, à saigner des mains en les arrachant, le tout, en les arrosant pendant qu’il fait tout cela. Le comportement de cet aveugle est frustrant pour celui qui l’observe en pensant, et mauvaise nouvelle pour tous les penseurs du monde : le monde est principalement composé d’aveugles de ce genre ! L’homme qui recherche la « cause des causes » des problèmes qu’il constate est un homme qui a une question à chaque réponse qu’il obtient. Celui-là demande quelle est la cause de chaque problème identifié. À chaque branche identifiée sur l’arbre généalogique des problèmes, son moi-pensant mature aura la curiosité de vouloir connaître la branche qui lui a donné naissance. C’est cet homme qui arrivera au tronc commun. Son moi-pensant est insatiable et tant qu’il sera vivant, lui qui vit pour penser, il s’interrogera pour savoir s’il n’y aurait pas une cause antérieure à chaque cause identifiée. Ce philosophe vit pour la connaissance et la compréhension. Il enquêtera sur la « cause des causes » dans la société des hommes. Son rôle est vital pour le bien commun des humains. À son extrême opposé, on retrouve la masse prisonnière de la Caverne qui dépense son énergie à combattre ce qu’on lui vendra comme causes à tous ses problèmes. Ne suffit-il pas dans la Caverne des aveugles de mettre un nom sur un problème et d’expliquer aux prisonniers que ce problème est la cause de tous leurs malheurs pour que ces pauvres aveugles mobilisent toute leur énergie pour le combattre ? Tel un taureau excité par un chiffon rouge, ils fonceront tête baissée. Ils pourront se battre toute leur vie sans réaliser qu’en se comportant ainsi, ils offrent à leurs problèmes une espérance de vie aussi longue que la leur ! Et bien entendu, la cause qu’il leur aura été vendue engendrera toujours une horizontalisation des conflits. Horizontalisation profitant toujours à l’ennemi commun : le maître. Ce dernier se protège en instrumentalisant ces luttes horizontales, pire, ces dernières lui sont vitales. Il jettera alors un os au peuple en inventant un ennemi soit à droite, soit à gauche mais jamais en haut. Les luttes horizontales au sein du peuple ne gênent jamais les puissants. Elles ne s’attaquent jamais à la « cause des causes », pire, elles en sont des conséquences. Conséquences qui, prises dans un cercle vicieux et autodestructeur pour la souveraineté populaire, renforcent cette cause : des puissants légifèrent, des sujets subissent leurs lois. Là est la raison pour laquelle le fait de faire germer et d’entretenir des idéologies qui distraient le peuple des vrais problèmes, à commencer par celui de son manque de souveraineté, est une variante du « diviser pour mieux régner ». Je nomme cette technique : la manipulation du toréro. Eh oui, tel le toréro qui énerve, excite, provoque et attire le taureau avec une muleta de sorte que l’animal, enragé, se focalise sur le bout de tissu inoffensif s’en se rendre compte que le vrai danger vient d’ailleurs : les flèches, les citoyens s’encornent les uns les autres entre clans idéologiques sans se rendre pas compte qu’ils dépensent leur énergie pour faire la guerre à des problèmes qui bien souvent ont été créés par leur ennemi commun. Celui-là même qui a besoin de ces problèmes pour distraire le peuple, l’occuper, lui donner une raison de vivre, un combat, bref pour le berner afin de se maintenir à sa tête.
À ce sujet, je soutiens même les luttes entre partis politiques occupent les électeurs à autre chose que ce sur quoi ils devraient se concentrer, et surtout elles sauvegardent les intérêts des haut-placés sur la pyramide ! Ces derniers font tout pour que ces luttes deviennent la raison de vivre des peuples, pour qu’ils ne se rendent pas compte que ces batailles contre les conséquences et non contre la cause commune à celles-ci ne les rendront jamais plus souverains et qu’ils gaspillent leur temps et leurs forces. Eh oui, citoyen, manifester et militer contre un mal sans s’attaquer à la racine, c’est le tolérer et non le dissoudre. Ainsi les peuples souffrent-ils à durée indéterminée de leurs maux mais en sont co-responsables puisqu’ils ne les désignent pas avec les mots exacts, en l’occurrence : non-démocratie.
Dans la Caverne des aveugles, le philosophe se comporte tout autrement. Il ne perd pas son énergie à se battre contre les problèmes : les ombres remuant sur les murs, ou ce qui est pareil, contre les conséquences de la « causes des causes ». Non, il réunit tous ses efforts pour identifier la « cause des causes » des injustices dont souffre le peuple. Il est un véritable poison pour les puissants de la Caverne mais un véritable ami pour tous les autres. C’est l’ami des faibles. Malheureusement, la Caverne est l’antre de la cécité et du conformisme intellectuels. Ses habitants sont aveugles, ils traiteront le sage qui leur tend le remède émancipateur, de fou. Ce problème ne date pas d’hier. L’Allégorie de la Caverne de Platon montre que le disciple de Socrate en était conscient il y a vingt siècles déjà, et l’expliquait mieux que moi.